La vitamine B12, autrement nommée cobalamine, en raison de sa forte teneur en cobalt, est une vitamine hydrosoluble. Elle est nécessaire à la synthèse normale de l’ADN (support de notre matériel génétique) et à la maturation des globules rouges. Certaines vitamines peuvent être stockées : l’excédent est alors mis en réserve, notamment dans le foie et les tissus adipeux. C’est le cas de la vitamine B12, qui peut être stockée au niveau des cellules hépatiques (stocks suffisants pour couvrir en moyenne les besoins d’un individu pour une période de un à cinq ans).*1
S’il est possible d’avoir aujourd’hui une alimentation végétalienne*2 et d’être en bonne santé, c’est grâce à la découverte de la synthèse de la vitamine B12 en 1972 puis à la commercialisation de cette vitamine B12, fabriquée en laboratoire. Il n’existe en effet, à ma connaissance, pas de sources alimentaires végétales de vitamine B12 suffisamment fiable (j’entends dont la qualité est constante et qu’il ne s’agit pas d’analogues) et conséquente (en quantité) permettant aux personnes ayant une alimentation strictement végétale d’atteindre les apports nécessaires à leur bonne santé. Une complémentation de vitamine B12 issue de la synthèse bactérienne semble donc être un choix raisonnable (voir section « Choisir un complément »).
Mais il ne faut pas négliger pour autant, tant pour les personnes ayant une alimentation omnivore, végétarienne ou végétalienne, l’impact de nos capacités d’assimilation. Car indépendamment de nos apports (alimentaires ou complémentaires) en vitamine B12, c’est une bonne assimilation qui nous permettra d’en tirer profit.
En effet, même avec des apports convenables (alimentaires ou complémentaires), différents autres facteurs peuvent impliquer des carences en vitamine B12 :
- Troubles de la production du facteur intrinsèque par l’estomac, cette protéine étant nécessaire à l’assimilation de la vitamine B12 : gastrite, ulcères à l’estomac, maladie de Biermer*5 (pathologie auto-immune) ;
- Inflammation des intestins ou du pancréas diminuant l’assimilation : allergie au gluten, maladie de Crohn, pancréatite chronique, hyper-perméabilité intestinale… ;
- Résection iléale (site d’assimilation de la vitamine B12) ;
- Pertes sanguines abondantes (accouchement, menstruations, hémodialyse…) ;
- Augmentation des besoins (en cas de grossesse, d’allaitement notamment);
- Interactions médicamenteuses ou excès d’alcool ;
- Consommation importante d’analogues de vitamine B12 (algues).
CARENCE ET DÉPISTAGE
Une carence en vitamine B12 peut occasionner des troubles neurologiques (tels que des picotements aux extrémités, une diminution de la sensibilité tactile, une vision trouble, des troubles de la mémoire, état dépressif, irritabilité, voire d’hallucinations) mais peut aussi passer longtemps inaperçue…
Pour dépister une éventuelle carence, je vous renvoie aux recommandations du Docteur Jérôme Bernard Pellet, médecin nutritionniste spécialisé dans l’accompagnement des personnes ayant une alimentation végétalienne, et en qui j’ai toute confiance eu égard à sa méthodologie de travail et son indépendance. Il recommande le dosage de l’acide methylmalonique, qui peut être réalisé dans le sang ou les urines.*6 Ceci est tout particulièrement vrai pour les personnes consommant des analogues de vitamine B12 (à travers les algues notamment).
Les personnes ayant une alimentation végéta*ienne atteintes de pathologies ou dysfonctionnements susceptibles d’induire une carence (voir plus haut), âgées de plus de 50 ans, enceintes ou allaitantes, doivent particulièrement prêter attention à leur taux de vitamine B12, en se complémentant (et en contrôlant si besoin le taux sanguin ou urinaire d’acide methylmalonique)
Les personnes ayant une alimentation végéta*ienne et ne souhaitant pas recourir à une complémentation devraient s’assurer, à titre préventif, une fois par an, de la stabilité de leur situation en réalisant un dosage sanguin ou urinaire de l’acide methylmalonique.
Ce dosage devrait par contre être systématiquement réalisé (et sans délai) lorsque la personne présente des symptômes évoquant le tableau clinique de la carence en vitamine B12 (voir plus haut).
CHOISIR UN COMPLÉMENT
Les compléments de vitamine B12 inondent le marché des compléments alimentaires, mais tous ne sont pas d’égale qualité. Si vous avez une alimentation végéta*ienne et souhaitez choisir un complément adapté, voici quelques conseils.
Tout d’abord, sauf en raison d’un état de santé particulier, de troubles avérés de l’assimilation, d’une alimentation particulièrement déséquilibrée ou de besoin accrus (grossesse par exemple), il n’est nul besoin de choisir un complément multi-vitamines. La propagande réalisée autour de ce type de produits et leur banalisation contribue à alimenter, à tort, l’idée selon laquelle une personne ayant une alimentation végéta*ienne s’expose à des risques de carences multiples. Or, une alimentation végétale équilibrée et une hygiène de vie favorable à une assimilation correcte peuvent garantir les apports en tous les nutriments essentiels, à la seule exception de la vitamine B12. Cependant, la plupart des nutriments concernés par ces mélanges ne sont pas toxiques car dosés convenablement.
Pour ce qui concerne le choix de la forme de vitamine B12 (cyanocobalamine, hydroxycobalamine, methylcobalamine, adénosylcobalamine ?), aucune n’a prouvé avoir une efficacité supérieure aux autres.*7 Ce n’est donc pas un critère de sélection pour éclairer votre choix.
Vous pouvez par contre prêter attention à la présence éventuelle de lactose, extrait du lait donc d’origine animale.
Enfin, pour ce qui concerne le dosage (pour des personnes adultes), les recommandations de la Fédération Végane, bien que largement supérieures aux recommandations des autorités sanitaires, prennent en compte les possibles variations d’assimilation qui tiennent aux individus et assurent un égal apport en vitamine B12 :
- Trois prises par jour de 1 μg
- ou prise quotidienne de 10 μg
- ou prise hebdomadaire de 2000 μg
Il sera opportun de consommer les compléments de vitamine B12 au cours d’un repas pour les doses journalières (à distance des repas pour les doses hebdomadaires), mais à distance de la consommation d’algues (qui contiennent des analogues de vitamine B12 donc qui en freinent fortement l’assimilation).
MAIS IL N’Y A VRAIMENT PAS UN MOYEN PLUS NATUREL ?
Pour resituer les choses dans leur contexte, il est important de rappeler que nos modes de vie n’ont plus rien de naturel : ni le fait de se vêtir, ni le fait de se déplacer avec des engins motorisés, ni le fait de rédiger une article sur un ordinateur pour le publier sur un site internet, ni le fait de faire nos besoins dans de l’eau potable… Bref, la recherche ultime d’une vie naturelle est vouée à l’échec, nous devons composer avec l’existant de cette époque.
Rappelons également à celleux qui trouvent que la consommation de compléments de vitamine B12 par les personnes ayant une alimentation végé*alienne n’est pas naturelle que les personnes qui consomment de la viande ingèrent la plupart leur vitamine B12 à travers la complémentation de masse des animaux d’élevage…*8
C’est dans ce contexte que je voulais évoquer une étude plutôt récente*9, qui mentionne la présence de vitamine B12 dans des baies d’argousier. L’étude conclue :
« Malgré le fait que tout le monde s’accorde à dire que les plantes ne peuvent pas synthétiser de vitamine B12, les plantes actinorhiziennes telles qu’Hippophae rhamnoides (argousier), qui vivent en symbiose avec l’actinobactérie Frankia alni peuvent accumuler certaines quantités de vitamines B12. En prenant en compte le fait que Frankia alni a des relations symbiotiques avec de nombreuses autres plantes, la possibilité de trouver de la vitamine B12 dans d’autres plantes est significative. Sur la base de nos récents résultats, les variétés européennes d’Elymus (chiendent), d’Hyppophae rhamnoides (argousier), d’Inula helenium (grande aunée), mais aussi de Brassica nigra (moutarde noire) ont montré des taux significativement élevés de vitamine B12, augmentant l’espoir pour les personnes véganes de trouver des sources végétales de vitamine B12. »
Si pour présenter un intérêt pratique cette donnée demande à être confirmée (notamment par l’observation des conséquences positives de l’ingestion de ces plantes sur les taux d’acide methylmalonique de personnes en carence avérée de vitamine B12), cette étude n’est pas pour autant dénuée d’intérêt. La mise en avant du caractère symbiotique des plantes identifiées comme possibles sources de vitamine B12 offre une piste de réflexion intéressante. Cela induit que d’autres plantes présentant une activité symbiotique avec des bactéries productrices de vitamine B12 pourraient elles-aussi être des sources alimentaires végétales de cette vitamine.
SOURCES
1- Marieb EN, Hoehn K. Anatomie et physiologie humaines. Paris : Éditions du renouveau pédagogique inc. ; 2015.
2- Une alimentation végétalienne (ou végétale) est uniquement composée de produits d’origine végétale : fruits, légumes, céréales, légumineuses, algues, champignons, graines oléagineuses.
5- Anémie de Biermer (anémie pernicieuse) : pathologie auto-immune qui touche principalement les personnes de plus de 60 ans. Le système immunitaire de ces personnes détruit les cellules de la muqueuse de leur estomac, ce qui empêche la production correcte du facteur intrinsèque. L’assimilation de la vitamine B12 est ainsi entravée, ce qui empêche la division des globules rouges (ceux-ci se développent pour devenir des cellules volumineuses et pâles → anémie) et occasionne les possibles troubles neurologiques liés à la carence en vitamine B12. Le traitement consiste alors à administrer par injection sous-cutanée ou intramusculaire de la vitamine B12, celle-ci ne pouvant pas être absorbée par l’intestin.
6- https://www.youtube.com/watch?v=N7z2bXCDB1g
7- Obeid et al. (2015) Cobalamin coenzyme forms are not likely to be superior to cyano- and hydroxyl-cobalamin in prevention or treatment of cobalamin deficiency Molecular Nutrition & Food Research, 59(7), 1364-1372.
8- http://www.cahiers-antispecistes.org/les-animaux-emballages-2/#nb199-16
9- Nakos et al. (2017) Isolation and analysis of vitamin B12 from plant samples, Food Chemistry Volume 216, 1 February 2017, Pages 301-308