Le poids d’équilibre, qu’est-ce que c’est ?

Plusieurs théories ont été développées pour expliquer les processus complexes de régulation du poids corporel. Et si pour l’heure il est encore difficile d’avoir des certitudes sur l’ensemble des mécanismes à l’œuvre, plusieurs de ces théories font appel au concept de poids d’équilibre (souvent en lien avec la théorie du « set point » ou « settling point » en anglais).

Ce poids d’équilibre fait référence au poids pour lequel vous seriez en quelque sorte « programmé.e » selon des facteurs génétiques, hormonaux et environnementaux. C’est le poids vers lequel vous pourriez tendre naturellement en étant à l’écoute de vos sensations alimentaires (faim, rassasiement, satiété), qui sont des indicateurs des processus de régulation et de contrôle physiologiques du poids. En dehors des contextes de dysrégulation de ces mécanismes de contrôle, en vous reconnectant à vos sensations alimentaires, vous pourriez donc prendre du poids si vous êtes en dessous de votre poids d’équilibre, ou bien à en perdre si vous êtes au dessus.

Ce poids d’équilibre évoluerait globalement à la hausse avec l’âge. Il aurait en effet tendance à augmenter en raison de l’évolution de notre métabolisme et des variations hormonales inhérentes à l’âge. De ce fait, rares sont les personnes pour lesquelles le poids d’équilibre à 40 ans serait identique au poids d’équilibre de leurs 20 ans.

Ce poids d’équilibre pourrait aussi augmenter lorsque l’on connaît des périodes de prise de poids. En effet, au delà d’une certaine prise de poids, nos cellules adipeuses se multiplient pour stocker plus de graisses… et ne disparaissent pas pour autant pas lorsque l’on perd du poids. Ce phénomène d’hyperplasie adipocytaire, bien que favorable d’un point de vue du métabolisme, conduirait à augmenter le poids d’équilibre, en parallèle d’autres processus propres au tissu adipeux.

Le poids d’équilibre serait donc variable d’une personne à l’autre, mais aussi au cours de la vie d’une même personne. Pour découvrir son poids d’équilibre actuel, la solution semble être de travailler à se reconnecter à ses sensations alimentaires, lorsque les mécanismes de régulation ne sont pas déréglés (situation pathologique, traitement médicamenteux…).

Cela permettrait, a minima, de retrouver une relation apaisée à la nourriture. Et pour une grande partie des personnes considérées en surpoids, une perte de poids serait possible. Mais il est impossible de déterminer à l’avance le poids qu’il est possible de perdre, puisque le poids d’équilibre est inconnu tant qu’il n’est pas atteint.

A noter également qu’il serait vain de souhaiter se stabiliser en dessous de ce poids d’équilibre, puisque cela induirait de faire des choix alimentaires en conséquence desquels vous auriez continuellement faim. Ce qui ne serait ni souhaitable ni durable.

Pour toutes les raisons indiquées ci-dessus, il serait déraisonnable de garantir une perte de poids (et encore moins de la chiffrer) en se focalisant sur les sensations alimentaires.

C’est pourtant la démarche que j’ai choisi de vous proposer lorsque vous me sollicitez pour perdre du poids : un accompagnement qui prend bien évidemment en considération l’équilibre nutritionnel, mais qui se concentre aussi et surtout sur votre comportement alimentaire et votre aptitude à vous connecter à vos sensations alimentaires.

La priorité faite au comportement alimentaire semble être en effet une approche qui minimise le risque de développer ou accentuer des comportements alimentaires dysfonctionnels (troubles des conduites alimentaires, orthorexie, compulsions, restrictions cognitives…) ainsi que le risque de prise de poids sur le long terme (le cercle vicieux des régimes amincissants conduisant la plupart d’entre nous à prendre progressivement toujours plus de poids).


Quelques (re)ssources :

Sur la théories de la régulation du poids corporel par l’existence d’un « set point »/« settling point » :

Geary N. Control-theory models of body-weight regulation and body-weight-regulatory appetite. Appetite. 2020 Jan 1;144:104440. doi: 10.1016/j.appet.2019.104440. Epub 2019 Sep 5. PMID: 31494154.

Ganipisetti VM, Bollimunta P. Obesity and Set-Point Theory. 2023 Apr 25. In: StatPearls [Internet]. Treasure Island (FL): StatPearls Publishing; 2023 Jan–. PMID: 37276312.

Garvey WT. Is Obesity or Adiposity-Based Chronic Disease Curable: The Set Point Theory, the Environment, and Second-Generation Medications. Endocr Pract. 2022 Feb;28(2):214-222. doi: 10.1016/j.eprac.2021.11.082. Epub 2021 Nov 22. PMID: 34823000.

Speakman JR, Hall KD. Models of body weight and fatness regulation. Philos Trans R Soc Lond B Biol Sci. 2023 Oct 23;378(1888):20220231. doi: 10.1098/rstb.2022.0231. Epub 2023 Sep 4. PMID: 37661735; PMCID: PMC10475878. (je n’ai pas encore pu accéder à cette publication, mais elle me paraît très intéressante alors je la glisse tout de même dans les ressources)

Sur les comportements alimentaires dysfonctionnels en lien avec les régimes amincissants restrictifs et/ou l’approche comportementale :

Boutelle KN, Pasquale EK, Strong DR, Eichen DM, Peterson CB. Reduction in eating disorder symptoms among adults in different weight loss interventions. Eat Behav. 2023 Jul 24;51:101787. doi: 10.1016/j.eatbeh.2023.101787. Epub ahead of print. PMID: 37639734.

Halali F, Lapveteläinen A, Karhunen L, Kantanen T. Eating behavior tendencies among Finnish adults in relation to previous weight loss attempts. Appetite. 2020 Jul 1;150:104650. doi: 10.1016/j.appet.2020.104650. Epub 2020 Mar 4. PMID: 32145371.

Gérard APFELDORFER, Jean-Philippe ZERMATI. Les régimes amaigrissants sont des troubles du comportement alimentaire. Réalités en nutrition N°6, Dec 2007, 6-11. https://www.gros.org/les-regimes-amaigrissants-sont-des-troubles-du-comportement-alimentaire

Sur l’échec des régimes amincissants basés sur diverses restrictions :

Irène Margaritis (ANSES), L’illusion perdue des régimes amaigrissants, 13 mai 2022 https://www.anses.fr/fr/content/lillusion-perdue-des-r%C3%A9gimes-amaigrissants

Bernard Lavallée, Pourquoi je ne dirai plus que « 95 % des gens qui font une diète reprennent leur poids après cinq ans », 5 janvier 2022 https://nutritionnisteurbain.ca/actualite/pourquoi-je-ne-dirai-plus-que-95-des-gens-qui-font-une-diete-reprennent-leur-poids-apres-cinq-ans/

Sur l’hyperplasie adipocytaire et l’adaptation du tissu adipeux à la prise et perte de poids :

Longo M, Zatterale F, Naderi J, Parrillo L, Formisano P, Raciti GA, Beguinot F, Miele C. Adipose Tissue Dysfunction as Determinant of Obesity-Associated Metabolic Complications. Int J Mol Sci. 2019 May 13;20(9):2358. doi: 10.3390/ijms20092358. PMID: 31085992; PMCID: PMC6539070.

Ghaben AL, Scherer PE. Adipogenesis and metabolic health. Nat Rev Mol Cell Biol. 2019 Apr;20(4):242-258. doi: 10.1038/s41580-018-0093-z. PMID: 30610207.

Eckel-Mahan K, Ribas Latre A, Kolonin MG. Adipose Stromal Cell Expansion and Exhaustion: Mechanisms and Consequences. Cells. 2020 Apr 2;9(4):863. doi: 10.3390/cells9040863. PMID: 32252348; PMCID: PMC7226766.

MacLean PS, Higgins JA, Giles ED, Sherk VD, Jackman MR. The role for adipose tissue in weight regain after weight loss. Obes Rev. 2015 Feb;16 Suppl 1(Suppl 1):45-54. doi: 10.1111/obr.12255. PMID: 25614203; PMCID: PMC4371661.