Naturopathie et véganisme : quel rapport ?


S’il vous est plus agréable d’écouter ou de regarder une vidéo plutôt que de lire cet article, retrouvez son contenu en ligne sur l’une de mes chaînes :


J’ai récemment inspiré un meme à des personnes qui pensent produire des contenus sceptiques. Et il me fait vraiment beaucoup rire. Pas par sa pertinence, mais par l’ampleur des clichés qu’il véhicule. En fait, il n’y absolument rien qui va, et ça en est tellement grossier que c’est drôle. Même si j’imagine que ce n’était pas du tout l’effet recherché…

Bon, je ne vais pas faire de pub pour les personnes qui sont à l’origine de ce meme, mais si vous voulez rire vous aussi en lisant des contenus délirants complètement déconnectés de la réalité, vous pouvez toujours vous rabattre sur Cnews, FranceSoir ou Valeurs Actuelles… En fait, ce meme me sert juste de prétexte pour faire un peu de pédagogie…

Le principal truc qui cloche dans ce meme, c’est que visiblement les concepts de base ne sont pas du tout maîtrisés. Et c’est plutôt dommage quand on prétend avoir un point de vue éclairé sur un sujet… Et vous allez voir que je ne me suis pas foulé pour vous donner des définitions convenables : deux clics sur un moteur de recherche, et hop, wikipedia est votre meilleur ami…

Par exemple, on ne peut pas « redevenir » omnivore, tout simplement parce que l’on ne peut pas cesser de l’être… L’être humain EST omnivore, indépendamment de ce qu’il choisit de manger ou pas. L’omnivorisme ne qualifie pas un régime alimentaire, mais des aptitudes digestives. Une personne omnivore peut choisir de manger de la viande… ou pas, de manger des légumes… ou pas…

Changer d’habitudes alimentaires ne nous rend pas omnivore, carnivore ou frugivore : nous le sommes, ou nous ne le sommes pas, cela dépend de notre espèce. Et en l’occurrence, je suis et j’ai toujours été omnivore, comme vous toustes, indépendamment de nos choix alimentaires.

Un autre aspect qui rend manifeste l’incompréhension des concepts de bases abordés dans ce meme, c’est la confusion opérée entre des concepts qui n’ont absolument rien à voir entre eux… Ce qui se retrouve d’ailleurs dans l’article qu’il illustre, de manière plus grotesque encore.

Si on reprend les choses dans l’ordre, on observe déjà une confusion entre le végétalisme et le véganisme. Le végétalisme c’est un régime alimentaire qui consiste à ne consommer aucun produit d’origine animale, donc pas de viande, poisson, œuf, produits laitiers ou miel. Les personnes végétaliennes composent principalement leur alimentation autour des fruits, légumes, légumineuses, céréales et graines oléagineuses, sous toutes leurs formes.

Le véganisme quant à lui, c’est le mode de vie qui consiste à éviter autant que possible tout produit ou toute activité issue de l’exploitation animale, c’est à dire les denrées animales, mais aussi les cosmétiques testés sur les animaux, la corrida, la chasse, les vêtements en cuir, ou bien encore les promenades à dos de cheval. Le végétalisme est donc une composante du véganisme, mais on peut tout à fait avoir une alimentation végétalienne sans être végane pour autant. Mais j’y reviendrai plus tard, quand on parlera de naturopathie…

Ensuite, là où ça devient plus drôle encore, c’est quand le végétalisme est présenté comme une pratique religieuse ou spirituelle, en comparaison les croyances hindouistes, l’islam, la cosmologie orientale et les pratiques méditatives. Si de rares personnes choisissent d’adopter une alimentation végétalienne du fait de leurs croyances religieuses (c’est le cas de certaines personnes bouddhistes ou jaïnes notamment), l’immense majorité d’entre elles font ce choix pour des raisons éthiques, c’est à dire en considération de l’intérêt à vivre des êtres sensibles et conscients que sont la plupart des animaux non humains. Les motivations liées à la santé ou à l’écologie conduisent quant à elles plus souvent au flexitarisme, et sont peu présentes chez les personnes végétaliennes, ou de manière secondaire (https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7042611/).

Tenter de discréditer le choix d’une alimentation végétalienne en le comparant à des croyances religieuses donc irrationnelles, ça ne repose sur absolument rien… ça me semble aussi peu pertinent que de considérer que le choix de consommer prioritairement des produits locaux ou de saison relève de la spiritualité… Dans la même logique, la comparaison entre naturopathie et végétalisme semble sortir de nul part.

Là encore, il semblerait que l’auteur de ce meme ne connaisse pas grand-chose au sujet…

Car la naturopathie n’a strictement aucun rapport avec le végétalisme ou le véganisme.

Certaines croyances de la naturopathie sont très compatibles avec le choix d’une alimentation végétalienne, bien que complètement irrationnelles : par exemple la préférence pour ce qui est « naturel », les principes hygiénistes, la diète alcaline, la dimension symbolique et énergétique de l’alimentation… On ne m’empêchera pas de penser, d’ailleurs, que la naturopathie est attractive pour les personnes végétaliennes, en raison de cette affinité, certes, mais aussi et surtout en raison des jugements et clichés poussiéreux alimentés par les professionnel-le-s de santé au sujet du végétalisme.

Dans la pratique, rares sont les naturopathes ayant une alimentation végétalienne et en assurant la promotion. Personnellement je crois n’en connaître que deux… Ces rares naturopathes qui adoptent une alimentation végétalienne le font principalement pour des raisons éthiques (donc indépendamment de tout lien avec la naturopathie). Les naturopathes les plus strictes dans leur adhésion aux principes hygiénistes promeuvent une alimentation majoritairement végétale, mais quasiment jamais végétalienne, et encore moins le véganisme (et croyez moi, j’en ai pourtant lu beaucoup, des contenus hygiénistes…). L’hygiénisme peut conduire tout au plus à une alimentation qualifiée de « plant-based », mais pas au véganisme.

D’ailleurs, ça me fait penser à cette extraordinaire campagne de com de la filière d’élevage bleu-blanc-coeur qui fait désespéramment appel à des naturopathes pour tenter de valoriser la consommation de ses viandes, poissons et œufs.

Si véganisme il y a, c’est donc indépendamment des croyances hygiénistes ou naturopathiques. Car le véganisme est la conséquence d’une philosophie sentientiste, c’est à dire une philosophie éthique selon laquelle la considération morale est basée sur la sentience. Il s’agit d’affirmer que la capacité d’éprouver de la souffrance ou un sentiment positif est le critère le plus pertinent pour déterminer la considération morale à accorder à une entité. Le sentientisme rejette donc le critère arbitraire d’espèce, au profit d’une pensée critique fondée sur les preuves de la sentience.

Il n’y a donc aucun putain de rapport avec la naturopathie… Prétendre le contraire contribue uniquement à rendre manifeste une méconnaissance particulièrement grossière à la fois de la naturopathie, du véganisme et du sentientisme.

Pour ce qui me concerne, remettre en cause la naturopathie a été une des conséquences de l’introduction de l’esprit critique dans mon mode de pensée. Et sans surprise, cela n’a eu aucune conséquence sur ma posture sentientiste, qui relève d’un système moral sans aucun lien avec la naturopathie et que j’ai choisi d’adopter à l’issue d’une longue réflexion rationnelle… Je vous encourage à ce sujet à visionner les capsules de Réplique Ethique, et tout particulièrement la 38ème, qui revient sur l’ouverture d’esprit des personnes antispécistes.

Au delà du prétexte qui m’est servi sur un plateau pour faire un brin de pédagogie sur ces sujets, ce genre de publications n’est selon moi qu’une tentative désespérée d’attirer l’attention avec des contenus pseudo-rationnels à la solde d’idéaux rétrogrades.

Ce qui n’est pas sans rappeler les contenus sur le grand complot féministe, que je trouve particulièrement risibles.

En bref, un bel exemple d’efforts démesurés pour tenter de résoudre sa dissonance cognitive et illustrer le concept d’ultracrépidarianisme.