Une journée dans mon assiette de diététicien·ne

Avouez, en voyant la vignette de l’article vous avez cru que j’allais vous faire un vlog super « healthy » et sexy en mode « diet qui mange super équilibré et qui montre l’exemple »…

Hé ben non, parce que d’une part ce que je mange au quotidien ça n’a rien de sexy, et d’autre part ça n’a aucun sens de prétendre manger super « healthy » continuellement. Parce que manger c’est aussi trouver un équilibre entre ce qui est sain, ce qui nous fait envie et plein d’autres paramètres sociaux, économiques, culturels, éthiques etc…

Hier par exemple, mes repas ils ont ressemblé à ça :

Au petit déj, j’ai dégusté mon infusion habituelle avec des petits pains grillés recouverts de purée de sésame, mais surtout de confiture. Beaucoup de confiture…

Le midi, c’était simple et rapide : des spaghetti à la sauce tomate, hop, directement du pot à l’assiette. Avec de la levure de bière bien sûr !

Et le soir, je me suis régalé.e avec des galettes de blé du commerce garnies de falafels et d’épinards tout droit sortis d’une boite de conserve, dans lesquelles j’ai ajouté du cheddar vegan et de la béchamel à la moutarde. Beaucoup de béchamel… Et pour combler mon envie de dessert, j’ai terminé le repas par un mug cake au chocolat.

Et pour ne rien vous cacher, comme j’avais un petit creux dans l’après-midi, j’ai aussi fait un goûter de chips, directement dans le paquet ! Et comme j’avais aussi envie de sucré, j’ai été piocher dans le sachet de brioche…

Et vous savez quoi ? C’était EXACTEMENT les repas dont j’avais besoin hier. Vous vous dites sûrement qu’on ne dirait pas, parce que ça ne ressemble pas à l’idée que vous vous faisiez des repas que pourrait consommer une personne qui exerce la diététique. Sauf que… vous n’avez absolument aucune idée de mon état de santé, de mon niveau d’activité physique, de mes contraintes matérielles, de mes besoins émotionnels, ni d’aucun autre des trèèèèèès nombreux facteurs qui influencent ma façon de manger et les besoins que mon alimentation permet de satisfaire.

Et puis, j’aime bien le rappeler en consultation : l’équilibre nutritionnel ne se fait pas sur un repas, ni même sur une journée. Et vous ne savez pas ce que j’ai mangé les autres jours de cette semaine, ni même quelles sont mes habitudes et préférences alimentaires.

Autrement dit : même en sachant précisément ce que j’ai mangé hier, vous n’êtes pas en mesure d’évaluer si je mange sainement ou pas. Et ça me semblait important de faire un petit rappel à ce sujet, parce qu’on aurait facilement tendance à tirer des conclusions hâtives à partir de ce que les gens donnent à voir sur les réseaux sociaux.

Sauf que, les gens ne mangent pas forcément toujours ce qu’ils et elles vous montrent sur les réseaux sociaux. Et puis, les recettes partagées ne sont pas toujours aussi saines qu’elles le paraissent, même celles qui sont présentées comme telles.

A ce sujet, il y a une étude1 qui a évalué plus de cent plats étiquetés comme « healthy » publiés récemment sur Instagram. Et vous savez quoi ? Sur les 114 plats évalués, seuls 3 ont été considérés comme équilibrés, et la plupart contenaient vraiment trop peu de calories. En bref, la plupart des plats présentés comme équilibrés sur les réseaux sociaux ne le sont pas, et vous pouvez être induit.es en erreur en vous fiant à la façon dont ils sont présentés.

Et ce risque n’est pas à négliger, parce qu’en plus de ça, on sait aussi désormais que l’exposition aux réseaux sociaux est susceptible d’altérer l’image et l’estime que l’on a de soi et d’augmenter le risque de développer des troubles du comportement alimentaire2, notamment à travers l’idéalisation des corps minces, le poids des critiques et l’auto-dévalorisation en se comparant aux autres…

En gros, le culte de la minceur et la culture des régimes infusent dans les réseaux sociaux, et ce qui est présenté comme sain peut n’être qu’un conseil ou une recette de régime de plus qui conduira à intégrer des interdits et des restrictions néfastes à votre santé physique et mentale.

C’est ce que je constate très souvent en consultation, quand mes patientes me font part de tel ou tel régime à la mode qu’elles ont découvert via telle ou telle influenceuse sur les réseaux sociaux, et qui leur font adopter des habitudes au mieux loufoques, mais surtout (le plus souvent) inutilement restrictives voire dangereuses pour leur santé, alors qu’elles sont présentées comme saines.

Bref, le truc sur lequel je voulais attirer votre attention, c’est que ce qu’on vous présente comme sain sur les réseaux sociaux ne l’est pas forcément et peut même vous éloigner de ce qui serait le meilleur pour vous en termes de nutrition, mais aussi de comportement alimentaire et d’estime de vous-même. Alors méfiez vous des assiettes trop parfaites et des conseils qui se revendiquent d’une alimentation « healthy » sur les réseaux sociaux. Car la désinformation en rapport avec l’alimentation y est galopante, tout comme sur d’autres sujets de santé d’ailleurs 3

Alors si vous avez le moindre doute sur votre équilibre nutritionnel, n’hésitez pas à plutôt consulter un ou une diététicien.ne  !


1 Gina Del Pozo, Pascale Ezan, Marilyn Moubassat, Pierre Déchelotte, Does so-called “healthy” content on instagram display balanced recipes? A pilot study in relation to the risk of unhealthy eating patterns in social network users, Appetite, Volume 200, 2024, 107542, ISSN 0195-6663, https://doi.org/10.1016/j.appet.2024.107542
2 Zhang J, Wang Y, Li Q, Wu C. The Relationship Between SNS Usage and Disordered Eating Behaviors: A Meta-Analysis. Front Psychol. 2021 Aug 2;12:641919. https://www.frontiersin.org/journals/psychology/articles/10.3389/fpsyg.2021.641919/full 
3 Suarez-Lledo V, Alvarez-Galvez J. Prevalence of Health Misinformation on Social Media: Systematic Review. J Med Internet Res. 2021 Jan 20;23(1):e17187. https://www.jmir.org/2021/1/e17187/