Personnellement, je ne réponds généralement pas aux demandes de recommandations nutritionnelles (ou de compléments alimentaires) hors consultation. Je vais détailler rapidement ici pourquoi je me positionne ainsi et vous proposer des pistes pour éviter les risques principaux.
A longueur de journée on peut voir sur les réseaux sociaux des personnes demander des conseils pour végétaliser leur alimentation, pour optimiser leurs apports en protéines ou bien encore pour choisir un complément alimentaire adapté à leur situation. Et tout un tas de personnes bien intentionnées vont leur répondre, avec plus ou moins de pertinence, de manière plus ou moins adaptée, et surtout de manière plus ou moins dangereuse…
Notons au passage que l’immense majorité des personnes qui répondent à ce genre de demandes ne sont pas professionnel.les de santé ni spécialisé.es en diététique/nutrition. Car lorsque l’on envisage la diététique de manière rigoureuse, on a conscience que l’on ne peut pas donner des conseils avisés en réponse à une publication Facebook. Pour s’assurer de prodiguer des recommandations réellement adaptées et sans danger pour la personne, nous avons en effet besoin :
– d’évaluer ses besoins nutritionnels en connaissant son âge, sa taille, son poids, son niveau d’activité physique, son état de santé (maladies actuelles, antécédents médicaux), d’éventuelles conditions particulières (grossesse, allaitement, projet de parentalité…) etc,
– de connaître ses habitudes alimentaires : les aliments qu’elle consomme, en quelle quantité, à quelle fréquence, les aliments qu’elle ne consomme pas (et pourquoi elle ne les consomme pas : par éthique, par religion, par souci environnemental, par allergie, par aversion, par intolérance, parce que perçu comme mauvais pour la santé etc.),
– de connaître les éventuels traitements en cours et compléments consommés,
– d’évaluer ses apports nutritionnels via l’alimentation et d’éventuelles complémentations (protéines, glucides, lipides, fibres, acides gras essentiels, fer, calcium, iode etc.),
– d’évaluer son comportement alimentaire (déceler d’éventuels indicateurs d’orthorexie ou de TCA, prendre en considération d’éventuels comportements compulsifs, interroger son rapport à la nourriture etc),
– de connaître le contexte de préparation et de prise des repas (contraintes financières, matérielles, professionnelles, familiales, de temps etc),
– de connaître les aptitudes digestives de la personne…
… entre autres choses.
C’est cette démarche globale qui nous permet de faire des recommandations personnalisées pertinentes, adaptées aux besoins nutritionnels de la personne, à son état de santé, à ses préférences, à ses contraintes diverses… le tout en ne prenant aucun risque pour sa santé.
Car sur les réseaux sociaux, malgré les intentions louables des personnes qui répondent aux demandes de conseils diététiques / de compléments alimentaires, on observe quotidiennement des conseils prodigués sans avoir au préalable recueilli ces informations de base, qui sont pourtant essentielles. Et cela expose les personnes demandeuses à divers risques, dont la sévérité est variable : du simple inconfort digestif… au trajet rapide en direction de l’hôpital.
Pour ce qui concerne les demandes formulées sur les réseaux sociaux dans le cadre d’une végétalisation de l’alimentation, ce que j’ai pu le plus souvent observer, c’est :
– des recommandations globales d’augmentation de la consommation de légumineuses et de céréales complètes sans s’être au préalable enquis des aptitudes digestives de la personne (ni de l’éventuelle présence de MICI ou de SII…) → risque de troubles digestifs d’intensité variable pouvant aller jusqu’à sérieusement impacter le quotidien de la personne.
– des recommandations de compléments alimentaires formulées sans avoir au préalable évalué les apports actuels de la personne (via son alimentation ou d’autres compléments alimentaires) → risque de toxicité pour les nutriments présentant une LSS (iode et vitamine D notamment).
– des recommandations pour encourager la végétalisation de l’alimentation chez des personnes dont on a pas interrogé les motivations ni le rapport à l’alimentation → risque d’accentuer des TCA.
– et de manière générale, des recommandations formulées sans se préoccuper de la nécessité de prendre en compte une alimentation adaptée à une situation pathologique ou un traitement médicamenteux en cours (régime pauvre en potassium, régime hyposodé, régime sans gluten, régime pauvre en Fodmaps…) → risque d’aggraver un état pathologique.
Et malheureusement, c’est sans compter sur la multitude d’informations fausses qui circulent également largement dans ces mêmes milieux, toujours partagées avec de louables intentions pourtant. Parmi ces fausses informations figurent notamment celles-ci :
– Affirmation selon laquelle qu’il ne serait pas nécessaire de se complémenter en vitamine B12 (avec sa variante : l’affirmation selon laquelle il ne serait nécessaire de se complémenter en vitamine B12 que lorsque l’on a une alimentation végétalienne),
– Promotion de prétendues sources « naturelles » de vitamine B12 (spiruline ou autres),
– Prétendue nécessité d’assurer une complémentarité entre céréales et légumineuses pour avoir des protéines végétales « complètes »,
– Promotion des alimentations végétales en raison de leur caractère alcalinisant,
– Prétendue nécessité de se complémenter en oméga 3 dès lors que l’on adopte une alimentation végétale,
– Prétendue dangerosité des additifs alimentaires et toxicité des aliments « transformés » (avec son corollaire, la prétendue nécessité d’adopter une alimentation strictement brute, non « transformée », « naturelle »)…
Bref, entre les fausses informations et celles qui ne sont pas adaptées aux besoins individuels des personnes, on a vite fait de se mettre en danger lorsque l’on suit les recommandations que l’on lit sur les réseaux sociaux. Et si toutes ces recommandations ne sont pas vraiment dangereuses, certaines peuvent conduire à réaliser des dépenses inutiles et/ou à s’imposer des contraintes/restrictions nutritionnelles sans aucun fondement. On s’en passerait !
Quelques conseils donc pour recevoir des recommandations fiables et adaptées à votre situation :
– si vous formulez une demande de conseils nutritionnels en ligne, demandez aux personnes qui vous répondent si elles sont professionnel.les de santé et formé.es en diététique – médecins nutritionnistes, diététicien.nes – (et aux spécificités des alimentations végétales si c’est votre demande) : de la même manière que vous ne demanderiez pas un conseil de plomberie à votre vétérinaire ou un conseil juridique à votre boulangère, assurez vous du bagage diététique des personnes qui vous répondent.
– sur les réseaux sociaux, évitez les groupes/pages où les recommandations sont formulées par des personnes dont vous n’avez pas la certitude qu’elles soient des professionnel.les de santé formé.es en diététique (et aux spécificités des alimentations végétales si c’est votre demande),
– évitez de solliciter l’avis de personnes qui, malgré leurs bonnes intentions, ne sont pas formées pour formuler des recommandations diététiques fiables et adaptées à votre situation personnelle : les coachs en nutrition, les naturopathes, les nutrithérapeutes, les nutritionnistes qui ne sont pas également médecins ou diététicien.nes, etc.
– méfiez vous fortement si une personne vous donne des conseils nutritionnels ou de compléments alimentaires alors que vous n’avez pas fourni la moitié des informations de base que j’ai mentionnées plus haut : elle n’a clairement pas pris les précautions nécessaires pour formuler des recommandations adaptées à votre situation et sans danger,
– et enfin, préférez toujours, si possible, solliciter une consultation individuelle avec un.e diététicien.ne qui vous inspire confiance (notamment en fonction des formations qu’iel affiche, de ses tarifs, de sa façon de communiquer, de son inclusivité, d’une recommandation qui vous a été faite etc. – ces critères sont ceux que moi j’emploie pour choisir un.e professionnel.le de santé à solliciter, mais libre à vous de choisir vos propres critères bien sûr !).