Lorsque l’on choisit d’adopter une alimentation végétarienne ou végétalienne, on a encore du mal à trouver des recommandations claires et fiables sur l’équilibre alimentaire, les risques de carences, l’alimentation adaptée aux enfants etc. Pour la plupart d’entre nous, nos médecins généralistes sont largement ignorants à ce sujet, et nous n’avons pas le réflexe de solliciter des professionnel-le-s de la diététique – qui pour la plupart ne sont pas beaucoup plus au fait que nos médecins d’ailleurs…
Alors on a tendance à faire nos propres recherches… Et là on s’expose à un nombre incalculable de données, dont beaucoup se contredisent. Difficile de savoir à qui se fier, à qui accorder sa confiance. Je vous propose donc de passer en revue, en quelques minutes seulement, les critères importants pour savoir si les données auxquelles vous êtes confronté-e-s sont à fuir, ou au contraire possiblement fiables.
La première chose à savoir, c’est que les données fiables au sujet des alimentations végétales se trouvent toutes en un seul et même endroit : les revues scientifiques à comité de lecture. Bon, maintenant que vous savez ça, vous n’êtes sûrement pas beaucoup plus avancé-e-s. Parce que, tout comme moi, vous n’avez sûrement ni le temps ni les compétences pour lire les milliers d’articles publiés sur le sujet avant de dégager les informations pertinentes pour répondre à vos interrogations. Je vais donc me concentrer sur les contenus de vulgarisation, ceux qui sont accessibles à toustes.
Le premier critère pour déterminer la fiabilité d’une information, ce sont ses sources. Si les données qui vous sont exposées ne sont pas sourcées, dans le doute, fuyez. Si les sources mentionnées sont autre chose que des publications scientifiques, avec les précisions nécessaires pour aller les consulter vous même, fuyez aussi. Les sites ou livres qui renvoient uniquement vers d’autres contenus de vulgarisation, vers leurs propres publications, vers des ouvrages ésotériques… fuyez les également.
Si le contenu qui vous intéresse contient des sources scientifiques bien identifiées, demandez vous ensuite si cette apparence de rigueur scientifique est, justement, plus qu’une apparence. Pour vérifier ce point, je vous rassure, vous n’avez pas besoin d’aller lire vous-même toutes les sources. Je vous propose trois points de vigilance simples à examiner :
– En premier lieu : la mention de pseudo-médecines. Si le contenu dont vous interrogez la pertinence émane d’une auteurice qui recommande le recours à des pseudo-médecines, vous pouvez raisonnablement douter de la rigueur de son approche, y compris sur les alimentations végétales. Je ne vais pas détailler ici en quoi la naturopathie et les autres pseudo-médecines sont dangereuses et oh combien éloignées de la rigueur scientifique. Mais si ce sujet vous intéresse, il y a de nombreuses vidéos que j’ai déjà produites sur ce thème.
– Un autre point pour vérifier si le contenu relève bel et bien de la rigueur scientifique, c’est d’observer comment est accueillie la critique. La critique constructive j’entends : n’allez pas insulter pas des gens pour voir leur réaction ! Vous pouvez par contre observer comment sont accueillies les critiques formulées de manière constructive, les demandes de précisions, les demandes de sources… Car la rigueur scientifique induit nécessairement une remise en question permanente, une aptitude à mettre à jour ses croyances. Bref, tout sauf du dogmatisme.
– Un dernier point essentiel pour s’assurer de la rigueur des données auxquelles vous êtes confrontées, c’est d’observer s’il existe une confusion entre données scientifiques et idéologie, qui plus est lorsque ces idéologies sont complètement irrationnelles. Par exemple, si au milieu des recommandations nutritionnelles se glissent des arguments étranges qui en appellent au caractère naturel de l’alimentation, à l’ancienneté d’une pratique ou bien encore aux traditions culinaires… il y a de grandes chances pour que vous soyez confronté-e-s à un contenu peu fiable.
Le dernier point de vigilance que je voudrais mentionner concerne spécifiquement les compléments alimentaires. Dans vos recherches, vous tomberez immanquablement sur des sites, blogs, forums, groupes FB où l’on recommande à des gens des compléments alimentaires sans avoir au préalable :
– demandé les antécédents médicaux de la personne,
– demandé quels sont les éventuel-le-s pathologies et traitements médicamenteux en cours,
– quels sont les éventuels compléments ou plantes actuellement pris par la personne,
– comment elle s’alimente précisément, de manière à évaluer ses apports alimentaires,
– quelles sont ses contraintes personnelles, qui permettent de déterminer le meilleur choix en termes de galénique et de posologie.
Et faire des recommandations sans prendre en compte tous ces aspects, c’est à la fois dangereux et irresponsable.
Dangereux, parce que les compléments alimentaires ne sont pas sans risque. Je lisais justement il y a quelques jours le rapport de l’ANSES sur ces nourrissons hospitalisés parce que leurs parents ont suivi des recommandations aberrantes sur la complémentation en vitamine D…
Un complément alimentaire, surtout lorsqu’il contient des vitamines ou minéraux qui présentent un seuil de toxicité, ne devrait jamais être recommandé sans avoir au préalable examiné tous les points que j’ai cités à l’instant.
Et en plus d’être dangereux, ce genre de recommandations est irresponsable. Dans le sens où cela relève de l’exercice illégal de la médecine. Parce que bien entendu, les personnes qui donnent de tels conseils…ne sont pas médecins… Bref, si vous observez de tels comportements, fuyez (après éventuellement avoir pris le temps de les dénoncer).
Cette liste de points de vigilance n’est bien évidemment pas exhaustive : j’ai simplement listé ceux qui, à titre personnel, me paraissent les plus importants. Si vous en voyez d’autres, n’hésitez pas à les partager en commentaire et à préciser comment vous procéder pour identifier si un contenu est fiable ou pas.
Bon, maintenant qu’on a vu ce qu’il fallait éviter, je ne vais pas vous laisser sans vous orienter vers des ressources sur les alimentations végétales que j’estime être fiables, et quelques conseils avisés. Mais juste avant, je voudrais prendre un exemple pour illustrer mes propos. Un exemple que je ne choisis pas par hasard, mais parce que l’on tombe très facilement dessus quand on fait une recherche francophone sur le végétarisme ou le végétalisme. Je voudrais passer en revue les 5 critères évoqués précédemment, en les appliquant aux contenus de la Fédération Végane (FV).
A noter au préalable que cette association ne fédère rien d’autre que ses quelques membres et n’est en rien représentative du véganisme, contrairement à ce que son intitulé pourrait laisser penser. Elle concentre son attention sur la vitamine B12 et contribue à faire prendre conscience de l’importance d’une complémentation pour les personnes qui consomment peu ou pas de produits d’origine animale.
Au sujet des sources : on retrouve régulièrement la mention d’articles de revues scientifiques dans les publications de la FV. On notera que ce n’est par contre pas le cas dans les dépliants papier destinés aux professionnel-le-s de santé ou au grand public, pour lesquelles l’association préfère s’auto-citer en renvoyant uniquement vers ses nombreux sites / pages / groupes. Un choix lié aux contraintes d’impression parait-il. Admettons…
Mais si on examine de plus près l’apparente rigueur scientifique des publications de la FV, ça se gâte sérieusement…
Déjà, on peut remarquer la présence sur leur groupe FB « Vive la B12 » d’un encart spécialement réservé à la promotion de personnes qui pratiquent les pseudo-médecines (en l’occurrence la naturopathie, l’homéopathie et l’ostéopathie). La promotion de ces disciplines est justifiée par le fait que ces personnes sont (je cite) « réputées avoir lu le dépliant de la FV sur la vitamine B12 ». Pour celleux qui auraient encore un doute à ce sujet, rappelons que la santé d’une personne ne tient pas uniquement à ses apports en vitamine B12. Renvoyer des personnes végétariennes ou végétaliennes vers des pratiques sans fondement scientifique et dangereuses pour leur santé, au seul prétexte qu’elles recevront (peut-être) des conseils de complémentation en vitamine B12, c’est irresponsable et cela va à l’encontre de la rigueur scientifique affichée de la FV.
On pourrait s’arrêter là, car ces éléments devraient largement suffire à vous faire prendre du recul par rapport aux conseils diffusés par la FV… Mais on va terminer la liste des 5 points de vigilance, juste pour la forme !
La FV prétend régulièrement être plagiée par toute personne osant produire un contenu sur l’équilibre nutritionnel dans le cadre d’une alimentation végétale ou sur la complémentation en vitamine B12. On pourrait résumer de manière très simple le fonctionnement de l’association : toute personne qui intervient sur son groupe FB doit se faire le relai des termes exacts des publications de la FV, pas d’autre chose. Ce qui en soit devrait déjà interroger sur la scientificité de la démarche… Car une personne qui fait preuve de rigueur scientifique n’aurait jamais l’audace de prétendre détenir une vérité absolue, ni même d’être propriétaire des données publiées dans les revues scientifiques.
Si l’on s’intéresse à la façon dont la critique est accueillie par les membres de la FV, là encore on s’éloigne de la démarche scientifique affichée. Les médecins et autres personnes qui ont tenté de produire une critique constructive de leurs conseils ont été accueillis avec beaucoup d’agressivité, et certains ont tout simplement été bannis. Sans surprise, plus grand monde ne perd désormais son temps à tenter d’avoir des échanges critiques constructifs avec les membres de la FV.
La FV illustre également parfaitement la confusion entre données scientifiques et idéologie que j’évoquais tout à l’heure. Ses publications sont ponctuées d’allusions idéologiques étranges d’inspiration pacifiste et/ou pseudo-bienveillante, en opposition assumée avec l’antispécisme. Ce qui d’une part, n’a strictement aucun rapport avec l’équilibre nutritionnel, et d’autre part renvoie une image fausse et irrationnelle des personnes choisissant d’adopter une alimentation plus végétale.
Dernier point sur la FV, et pas des moindres : l’association administre le groupe FB « Vive la B12 », au sein duquel ses membres et d’autres personnes se livrent quotidiennement à des recommandations sauvages de compléments alimentaires et de diététique. Je qualifie ces recommandations de sauvages car elles ne prennent jamais en considération les points que j’évoquais tout à l’heure. Et bien évidemment, elles ne sont quasiment jamais faites par des professionnel-le-s de santé. La FV permet et facilite donc des échanges qui s’apparentent à l’exercice illégal de la médecine, au lieu de renvoyer les personnes vers des professionnel-le-s de santé qualifié-e-s.
Dans la même logique, la FV encourage les personnes végé à supporter le coût de leurs bilans biologiques plutôt qu’à solliciter une prescription médicale et une prise en charge par la sécurité sociale des bilans permettant d’évaluer leur taux de vitamine B12, puisque la FV juge ces analyses inutiles. C’est bien évidemment une posture particulièrement élitiste (réservée aux personnes privilégiées donc). Et, à toutes fins utiles, rappelons que seul un ou une professionnel-le de santé est en mesure d’évaluer la pertinence d’un bilan biologique, en connaissance de la situation médicale personnelle de son ou sa patient-e.
Bref, vous aurez compris que pour toutes ces raisons, je vous encourage à faire preuve de méfiance vis à vis des contenus de la FV…
Mais assez parlé de cette association, revenons en à des ressources fiables sur les alimentations végétales.
Le premier conseil que je voudrais vous donner, c’est de ne pas demander de conseils de santé sur les réseaux sociaux… C’est à peu près aussi pertinent que de demander des conseils de santé à des passant-e-s dans les allées du marché en bas de chez vous. Vous aurez des réponses aussi peu éclairées que celles obtenues par Guillaume Meurice dans ses micro-trottoirs. Et je pense que vous serez d’accord avec moi pour dire que votre santé mérite un chouïa plus de compétence que ça…
Préférez plutôt demander que l’on vous recommande des médecins ou diététiciennes compétentes sur les alimentations végétales, idéalement dans des groupes locaux, ou bien en précisant que vous pouvez envisager des consultations à distance. Ces professionnel-le-s de santé existent, il s’agit simplement de porter leur existence à la connaissance du plus grand nombre et de valoriser leur compétences. Je suis persuadée que de nombreuses personnes seront ravies de partager avec vous les coordonnées des professionnel-le-s de santé qualifié-e-s qui les ont accompagnées en tant que personnes végétariennes ou végétaliennes.
Pour ce qui est des ressources fiables sur les alimentations végétales, il en existe déjà quelques unes en français, qui selon moi mériteraient d’avoir plus de visibilité au regard de leur qualité.
Je pense notamment, de manière non exhaustive
- aux positions publiées par l’ONAV, observatoire national de l’alimentation végétale, sur son site www.lonav.fr
- au contenu des sites www.jemangevegetal.fr et www.sante-vegane.fr
- et au contenu du site www.végéclic.com, outil en ligne d’aide à la prise en charge des patient-e-s végé, destiné aux professionnel-le-s de santé donc.
Je vous vous invite à vous faire vous-même un avis sur ces contenus 😉