Aujourd’hui je m’accorde un petit plaisir personnel : ça fait un moment que je voulais faire un auto-debunk d’un livre que j’ai écrit et commercialisé à l’époque où j’étais naturopathe : « Les bases d’une alimentation saine ». C’est un livre qui propose d’améliorer ou préserver sa santé grâce à l’alimentation, et même si je l’ai rédigé sur la fin de ma pratique de la naturopathie, on sent clairement l’influence de la discipline…
Vous ne le trouverez nul part en vente, ne cherchez pas, c’est moi qui ai les derniers exemplaires…
J’ai pensé que ça serait peut être intéressant d’en faire une lecture critique, avec le recul que je peux avoir aujourd’hui.
Je me rappelle assez bien l’état d’esprit dans lequel j’étais au moment où je l’ai rédigé… Je commençais à découvrir la méthode scientifique et je voulais faire quelque chose de rigoureux. J’ai donc pris mon temps pour faire des recherches et j’ai essayé de produire quelque chose de sérieux. D’ailleurs, comme j’avais déjà pas mal entendu parler de l’appel à la nature, à aucun moment dans le livre je ne parle d’alimentation naturelle, j’y ai bien veillé ! J’avais aussi fait l’effort de sourcer mes affirmations, et j’avais mis en ligne sur mon site les 29 pages de références scientifiques qui fondaient mon propos. Bon, par contre j’avais pas encore bien tout compris !
Déjà, pour en définir les grandes lignes, on peut commencer par dire que le contenu du livre s’inscrivait dans la continuité des publications de médecins américains dont je suivais beaucoup les travaux à l’époque : le Dr Greger, le Dr Esselstyn, le Dr Campbell, le Dr Klaper, le Dr Fulhman et le Dr Milton notamment. Le fil conducteur de cet ouvrage, c’était donc de mettre en avant l’intérêt d’une alimentation végétale peu ou pas transformée pour être en bonne santé, ce que les anglophones nomment « whole food plant-based diet ».
Bon, ça, c’est le premier gros problème de ce livre. Parce que dans la réalité, même si les alimentations végétales présentent un intérêt en terme de santé cardio-vasculaire notamment, on est absolument pas obligé-e-s d’être végé pour être en bonne santé. A l’inverse de ce que laisse penser ce livre, une alimentation contenant des produits d’origine animale en quantité modérée peut tout à fait être saine.
Mais il y avait aussi d’autres problèmes dans ce livre. Notamment un chapitre sur l’équilibre acido-basique et l’intérêt d’une diète alcalinisante, une diabolisation des produits laitiers, du gluten, des sucres, des huiles et des produits transformés, un chapitre sur les bienfaits de l’alimentation bio, et la référence aux intolérances alimentaires à IgG.
Et tout ça, avec des dizaines d’études scientifiques pour appuyer mes propos. Je ne connaissais pas encore le concept de cherry picking, mais ça en était la parfaite illustration : c’est à dire que j’ai sélectionné uniquement les études qui allaient dans le sens de l’idée que je voulais défendre… D’ailleurs, je me rappelle m’être fait la réflexion plusieurs mois après la parution du livre : je me suis dit que si je devais le ré-écrire, je chercherais en premier lieu des études qui contredisent ce que je pense, histoire de ne pas alimenter mon biais de confirmation.
Puis je n’avais aucune notion du niveau de preuve : je ne voyais pas le problème de citer comme source la conférence ou le livre d’un médecin, une étude de cas, ou des études de faible niveau de preuve plutôt que de reviews ou des méta-analyses. Donc forcément, au final, le contenu n’était pas très fiable.
Mais y avait pas que des conneries dans ce livre quand même ! Il y a un chapitre qui torpille le régime paléo, un autre qui dézingue les cures détox, un chapitre qui dénigre les appareils miraculeux de cuisson « douce » et les prétentions du crudivorisme, une critique des compléments qui sont censés booster le système immunitaire et même un chapitre sur la nécessaire complémentation en vitamine B12 pour les personnes végé. Y avait même pas mal de recettes sympa et des conseils pratiques plutôt avisés.
Mais bon… ça ne suffit pas en en faire un ouvrage rigoureux et je ne regrette pas de l’avoir retiré de la vente. D’ailleurs, je voudrais préciser que je n’ai pas fait de bénéfice avec ce bouquin. Les ventes ont permis de rembourser les frais d’impression (parce que c’était une auto-édition) et j’ai donné le surplus à un sanctuaire pour animaux dits de boucherie. Quoi qu’il en soit, tous les exemplaires restants ont été retirés de la vente et je profite de cette vidéo pour présenter mes excuses aux personnes qui m’ont accordé leur confiance en achetant ce livre.
Je voulais bien faire, je voulais me rendre utile en rédigeant un ouvrage rigoureux sur l’alimentation végétale, mais je n’avais pas encore les outils qui me permettaient de le faire et j’en suis désolé-e.