Mutuelles et entreprises : promotion des pseudo-médecines

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L’intérêt d’une mutuelle, certes, c’est que ses adhérents et adhérentes soient en bonne santé de manière à ce que les cotisations ne soient pas intégralement redistribuées pour financer des soins. Parce que, c’est quand même le concept : il s’agit d’entreprises à visée lucrative.

Dans le même temps, on pourrait trouver ça contre-intuitif, mais beaucoup de mutuelles promeuvent des pratiques dites « médecines douces » ou « médecines alternatives », telles que la naturopathie, l’ostéopathie, l’homéopathie, ou bien encore la réflexologie… Pourtant, beaucoup de ces mutuelles ont conscience du fait que ces disciplines n’ont pas apporté de preuve de leur efficacité. Certaines le précisent même sur leurs sites internet.

On peut se demander alors, pourquoi les mutuelles valorisent des pratiques qui n’ont pas apporté la preuve de leur efficacité en terme de santé, si ce n’est pour attirer une clientèle demandeuse de remboursements de « thérapies dites alternatives ». Et ce, indépendamment de l’effet réel de ces disciplines sur la santé de cette même clientèle… La dimension lucrative de la chose prend alors tout son sens… Il semblerait que la rentabilité importe plus que la santé. En tout cas, je ne sais pas comment expliquer autrement le phénomène…

On trouver des contrats de complémentaires santé qui remboursent la naturopathie et d’autres disciplines pseudo-scientifiques auprès de nombreuses mutuelles, de tailles très variables.

Pour n’en citer que quelques unes, on trouve par exemple AG2R, qui promeut aussi auprès de sa clientèle des ateliers animés par des coachs, animateur nature, micro-nutritionniste, sophrologues et naturopathes. En la matière, la MGEN propose aussi de nombreux webinaires animés par des naturopathes, sophrologues ou réflexologues… pour promouvoir ce qu’elle nomme les « médecines douces ». Son offre de remboursement, bien que très large, ne concerne pourtant que les agents des Ministères Sociaux. Allianz dispose quant à elle d’un réseau de professionnel-le-s de l’ostéopathie, de la sophrologie de la chiropraxie et de la naturopathie qu’elle met en lien avec sa clientèle. La complémentaire santé du CIC va jusqu’à présenter les consultations d’ostéopathie, homéopathie, chiropraxie et naturopathie dans la rubrique des « actes médicaux ».

Bien d’autres mutuelles sont concernées, il ne s’agit là que d’exemples pour illustrer mon propos. D’ailleurs, de plus en plus de mutuelles se créent autour d’offres de remboursement tout spécialement orientées vers les pseudo-médecines et autres pratiques pseudo-scientifiques, perçues comme complémentaires de la médecine conventionnelle.

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Mais plus étonnant encore, on va trouver parmi les promoteurs des pseudo-médecines, des entreprises, qui peuvent faire intervenir dans leurs locaux, ponctuellement ou régulièrement, des naturopathes ou autres thérapeutes dits alternatifs, dans le cadre d’ateliers, de conférences, de webinaires, de stages, ou bien encore de formations… Le plus souvent dans l’idée (affichée du moins) d’améliorer la qualité de l’environnement de travail de leurs employé-e-s, et/ou leur qualité de vie. Et ces entreprises ne sont pas forcément celles auxquelles on pense de prime abord : car les pseudo-médecines ont désormais dépassé la sphère limitée des petites structures écolo altermondialistes.

Par exemple, l’entreprise L’Oréal, leader mondial des cosmétiques, organise chaque mois des conférences thématiques à l’attention des employé-e-s de son siège social, en région parisienne, avec pour objectif affiché d’améliorer leur qualité de vie sur leur lieu de travail. L’Oréal est une énorme entreprise, qui fonde son prestige sur son expertise scientifique et technique. Elle communique largement sur ses valeurs d’intégrité et d’éthique, mais aussi sur son engagement pour la rigueur et l’innovation scientifiques.

On pourrait donc s’attendre à ce que les interventions organisées auprès de ses salarié-e-s soient également sérieuses, fondées et scientifiquement éprouvées. C’est pourtant avec beaucoup de régularité qu’interviennent des naturopathes, sophrologues, consultant en neuro-sciences et autres coachs… Autant de titres qui trahissent des discours sans fondement sérieux, voire dangereux et clairement anti-scientifiques.

La dernière intervention en date est celle d’un naturopathe bien connu, Daniel Kieffer. Sa conférence auprès des employé-e-s de L’Oréal était intitulée « détox holistique ». Et ce n’est pas un hasard, puisque c’est également le titre de l’un de ses très nombreux ouvrages.

Cette conférence d’une heure a été l’occasion de faire une promotion intense de la naturopathie, mais aussi d’autres pseudo-médecines (EFT, PNL, EMDR, méthode TIPI, hypnothérapie, magnétisme, neuro-feedback, acupuncture, réflexologie, sophrologie, hydrothérapie, régime hypotoxique…), d’ouvrages pseudo-scientifiques, de courants de pensées et de personnes qui servent de références à ces croyances (Carl Jung, Daniel Kieffer, Pr Belpomme, Krishnamurti, Alice Bailey, Jacques Lacan, Hippocrate, bouddhisme, ayurvéda, yoga, astrologie, inconscient collectif, neuro-mythes – cerveau droit, cerveau gauche, essence masculine/féminine…).

Dans ce contexte, il a fermement dénoncé une culture occidentale scientiste, le matérialisme, les mauvaises vibrations véhiculées par les médias et l’éducation, la culture du doute, les méfaits des ondes et des émotionss négatives, et tant d’autres pollutions modernes qui nuiraient à l’état de santé des employé-e-s de L’Oréal à son écoute.

Autant d’occasions pour lui de promouvoir vivement des appareils de protection des ondes émanant des antennes relais, mais aussi du matériel bureautique pour protéger les employé-e-s dont les outils ne sont pas reliés à la terre (visuel tapis de souris Earthing à 25 euros), et également des dispositifs pour clustériser l’eau de boisson – Ce qui ne veut absolument rien dire, mais les appareils coûtent plusieurs centaines d’euros.

Daniel Kieffer a glissé au passage quelques allusions douteuses sur la pandémie actuelle en faisant notamment référence aux cas de thromboses et en invoquant la peur des virus comme cause de maladie. Sans avoir une seule parole purement complotiste, il a pourtant largement déroulé des arguments très souvent entendus dans ces sphères.

De manière très « naturopathique », il a insisté sur l’importance de la frustration et de la culpabilité comme émotions principalement impliquées dans le développement des maladies, tout en tenant pendant une heure de temps un discours hautement culpabilisant. Oui, parce qu’affirmer que les causes de nos maladies sont nos pensées, nos émotions, et notre manque de spiritualité, c’est particulièrement culpabilisant – et faux…

En bref, il a coché toutes les cases du bingo de la naturopathie…

Du coup, je me questionne. Est-ce que les responsables de L’Oréal qui organisent, approuvent et financent de telles interventions réalisent à quel point elles sont peu sérieuses, dangereuses, et éloignées des valeurs défendues par leur entreprise ? Est-ce que ces personnes savent à quel point ces discours sont susceptibles de nuire à leurs employé-e-s ? (et aussi à l’image de leur entreprise…)

Aux entreprises et mutuelles qui planifient de telles interventions, je me propose pour apporter un regard critique, éthique et scientifique sur les pseudo-médecines et leurs dangers. Et plus particulièrement sur la naturopathie.

Si êtes employé-e-s dans une entreprise ou client-e d’une mutuelle qui fait la promotion des pseudo-médecines, n’hésitez pas à faire suivre cette vidéo à votre employeur ou votre mutuelle…

En attendant, prenez soin de vous, et doutez raisonnablement !