Algues : danger ou super-aliment ?

Les algues sont parfois présentées comme dangereuses… et parfois comme des super aliments aux vertus extraordinaires… Difficile de savoir quoi en penser quand on est confronté·es à des discours aussi contradictoires ! Je vous propose donc de faire un petit point à ce sujet.

Consommer des algues marines, c’est avant tout agréable d’un point de vue gustatif pour les personnes qui aiment les saveurs iodées et les nombreuses recettes qui en contiennent ! Que ce soit sous forme de paillettes, de feuilles d’algues séchées, de tartare d’algues ou sous forme fraîche, les algues permettent d’offrir des saveurs originales, pour une alimentation savoureuse et diversifiée.

Mais ce n’est pas pour autant indispensable : il est tout à fait possible d’avoir une alimentation équilibrée sans algues. Il y a par contre des patient·es auprès desquels je finis toujours par aborder le sujet de la consommation d’algues : ce sont les personnes qui consomment peu ou pas de poisson ou d’autres produits de la mer, notamment les personnes végétariennes et végétaliennes.

Chez ces personnes là, la consommation d’algues marines peut apporter des quantités non négligeable d’iode, un minéral indispensable à la synthèse des hormones thyroïdiennes dont les apports peuvent être insuffisants dans le cadre d’une alimentation à dominante végétale. Surtout si ces personnes ne consomment pas de poisson ou d’autres produits de la mer, peu ou pas de d’œufs et de produits laitiers et pas de complément d’iode. Car le sel iodé, s’il permet de compléter de manière intéressante les autres apports alimentaires, ne peut à lui seul compenser les faibles apports dans le cadre d’une telle alimentation.

Il est cependant important de veiller à en avoir une consommation modérée, car certaines algues sont particulièrement riches en iode et exposent au risque d’en consommer en excès si elles sont trop souvent au menu, ce qui, pour le coup, nuit au bon fonctionnement de la thyroïde et peut avoir des conséquences assez sévères (hypothyroïdie, hyperthyroïdie).

J’en déconseille donc la consommation régulière aux personnes qui ont déjà des apports en iode satisfaisants. Mais pour ce qui est des personnes qui ont des apports en iode insuffisants et qui souhaitent (continuer à) en consommer, je recommande d’en consommer en petite quantité et pas tous les jours, mais aussi de privilégier les algues qui présentent les niveaux d’iode les plus bas, comme les algues nori ou la laitue de mer, voire les algues wakamé ou dulse en cas de consommation plus ponctuelle. Les algues les plus riches en iode, comme l’algue kombu notamment, devraient quant à elles être évitées ou réservées à des consommations très ponctuelles.

A noter qu’une des grandes difficultés pour évaluer la teneur en iode des algues que l’on consomme, c’est que cela ne fait l’objet d’aucune mention sur les emballages, et que cette teneur est extrêmement variable en fonction des espèces d’algues, du milieu de culture ou du lieu de récolte, mais aussi de la saison ou des modalités de transformation. D’où l’intérêt de privilégier les espèces d’algues dont on sait qu’elles contiennent globalement moins d’iode que d’autres, pour limiter le risque d’excès.

Un autre aspect qui peut conduire à la prudence et à une consommation modérée d’algues, c’est leur tendance à accumuler les métaux lourds (arsenic, cadmium, plomb, mercure…). Je n’ai pas assez de données ni la compétence pour formuler des recommandations pertinentes à ce sujet. Mais par précaution concernant les risques sanitaires (présence de germes, de toxines, de métaux lourds, de résidus de produits phytosanitaires), il me semble utile de rappeler que l’ANSES appelle à « privilégier les circuits d’approvisionnement les mieux contrôlés par les pouvoirs publics (conformité à la règlementation française, traçabilité, identification du fabricant) pour tous les aliments et les compléments alimentaires à base d’algues ». Autrement dit, mieux vaut acheter des algues dans les commerces « conventionnels » (supermarchés, magasins bio) et éviter de consommer des algues achetées sur un site internet douteux ou ramassées en bord de mer en cours de promenade…

A noter également qu’en dehors des apports conséquents en iode dus à la concentration importante observée dans les algues, les apports en d’autres nutriments sont à relativiser, car les algues sont à consommer en faible quantité pour toutes les raisons mentionnées plus tôt. Elles ne contribuent donc que de manière très marginale aux apports en protéines, vitamines, acides gras, fibres et autres nutriments. Ce n’est donc pas le « super-aliment » parfois promu sur les réseaux sociaux, sur les salons bio… ou par les producteurs et laboratoires de compléments alimentaires qui ont un intérêt direct à vous vendre leurs produits !

J’ai également envie de préciser que l’on m’a déjà demandé pourquoi il faudrait prendre garde à sa consommation d’algues, alors que dans certains pays asiatiques, les gens en mangent tout le temps, notamment au Japon. Personnellement, je ne sais pas répondre à cette question. Pour pouvoir comparer la consommation de ces gens à celles des personnes vivant en Europe, il faudrait notamment connaître les espèces d’algues qu’elles consomment, leurs teneurs en iode, leur modes de préparation, les quantités consommées (et la fréquence de ces consommations), mais aussi les apports en iode par les autres groupes alimentaires (poissons, crustacés, produits laitiers, œufs et aliments enrichis notamment). Il faudrait également se renseigner sur l’existence d’éventuelles réglementations locales sur la teneur en iode, mais aussi sur la prévalence des pathologies liées à la consommation excessive d’iode… et sûrement plein d’autres paramètres que je ne saurais pas identifier. Et comme je n’ai jamais eu l’occasion de lire une publication pertinente, sourcée et étayée à ce sujet, je préfère ne pas apporter de réponse à cette question, qui est bien plus complexe qu’elle n’y paraît de prime abord. Je me permet simplement de souligner que pour prévenir les conséquences d’une consommation excessive d’iode, les autorités japonaises recommandent des apports journaliers quasi-identiques à ceux qui sont recommandés en France. Il ne semble donc pas y avoir d’ « exception japonaise »…

Et pour terminer au sujet des algues, il me semble important de mentionner que certaines d’entre elles sont parfois présentées comme une source de vitamine B12 intéressante, qui serait suffisante pour couvrir les besoins des personnes végétariennes et végétaliennes. Ce n’est pas le cas : en l’état actuel de nos connaissances, les algues ne peuvent pas être considérées comme une source fiable de vitamine B12, notamment car elles contiennent des quantités très faibles de vitamine B12 active. A ce sujet, je vous renvoie au travail de synthèse de la littérature scientifique réalisé par l’ONAV dans sa Position relative à la couverture des besoins en vitamine B12 chez les personnes ayant une alimentation flexitarienne, végétarienne et végane (2022), qui évoque notamment les algues nori, la chlorelle et la spiruline.

Pour conclure, je me permets de rappeler à toutes fins utiles qu’en cas de doute ou de questionnement sur vos apports nutritionnels, sur votre équilibre alimentaire et plus globalement sur votre situation personnelle, rien ne remplace l’avis d’un·e professionnel·le de santé qualifié·e pour formuler des recommandations individualisées. N’hésitez donc pas à consulter un·e diététicien·ne pour faire un point sur votre situation !


En bref :

→ Les algues permettent d’offrir des saveurs originales, pour une alimentation savoureuse et diversifiée.

→ Il existe un risque de consommation excessive d’iode à travers la consommation d’algues marines, notamment si elles sont consommées régulièrement (attention notamment à l’algue kombu, particulièrement riche en iode).

→ La consommation régulière d’algues marines est déconseillée chez les personnes ayant des apports en iode satisfaisants.

→ Les algues marines peuvent par contre être une source d’iode intéressante pour les personnes qui ont des apports insuffisants en raison de leur faible consommation de poisson, produits de la mer, œufs et produits laitiers (notamment certaines personnes végétariennes et végétaliennes, en l’absence de complément d’iode).

→ La teneur en iode des algues étant très variable, il est recommandé d’en modérer la consommation et de privilégier celles qui présentent les teneurs en iode les moins élevées : algues nori et laitue de mer, voire wakame et dulse pour des consommations plus ponctuelles.

→ Il est important de privilégier les circuits d’approvisionnement contrôlés pour limiter les risques sanitaires associés à la consommation d’algues.

→ Les algues ne sont pas une source fiable de vitamine B12.


Sur les apports en iode chez les personnes végétariennes et végétaliennes et leur consommation d’algues marines, voir notamment :

  • Světnička M, Heniková M, Selinger E, Ouřadová A, Potočková J, Kuhn T, Gojda J, El-Lababidi E. Prevalence of iodine deficiency among vegan compared to vegetarian and omnivore children in the Czech Republic: cross-sectional study. Eur J Clin Nutr. 2023 Nov;77(11):1061-1070. doi: 10.1038/s41430-023-01312-9.
  • Eveleigh ER, Coneyworth LJ, Avery A, Welham SJM. Vegans, Vegetarians, and Omnivores: How Does Dietary Choice Influence Iodine Intake? A Systematic Review. Nutrients. 2020 May 29;12(6):1606. doi: 10.3390/nu12061606.
  • Eveleigh ER, Coneyworth L, Welham SJM. Systematic review and meta-analysis of iodine nutrition in modern vegan and vegetarian diets. Br J Nutr. 2023 Nov 14;130(9):1580-1594. doi: 10.1017/S000711452300051X.
  • Bath SC, Verkaik-Kloosterman J, Sabatier M, Ter Borg S, Eilander A, Hora K, Aksoy B, Hristozova N, van Lieshout L, Tanju Besler H, Lazarus JH. A systematic review of iodine intake in children, adults, and pregnant women in Europe-comparison against dietary recommendations and evaluation of dietary iodine sources. Nutr Rev. 2022 Oct 10;80(11):2154-2177. doi: 10.1093/nutrit/nuac032.