Les yeux sont le miroir de l’âme… ou du corps… ou ni de l’un ni de l’autre… L’iridologie, pratique structurée en Europe 19ème siècle, prétend pouvoir observer dans les yeux des marques attestant des forces et faiblesses des individus en terme de santé. Il serait possible de déceler les signes de problèmes de santé passés, actuels ou à venir. Cette technique qui semble être un outil de diagnostic plutôt performant a-t-elle vraiment un jour fait la preuve de son efficacité ?
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Je voudrais aborder avec vous une pratique peu connue mais pourtant pratiquée par de nombreuses personnes dans les domaines de la naturopathie et autres démarches alternatives : l’iridologie. C’est une pratique à laquelle j’ai été formée lorsque j’étais en école de naturopathie, mais que je n’ai pourtant jamais utilisée ensuite. Bizarrement, non pas parce que je doutais de sa pertinence, mais parce que j’avais eu l’occasion d’observer en formation l’utilisation dangereuse que certaines personnes peuvent en faire. J’y reviendrai ensuite…
Commençons par définir brièvement ce qu’est l’iridologie. Il s’agit d’observer l’iris des yeux (c’est à dire la partie colorée des yeux) d’une personne pour déterminer ses maladies, faiblesses, déséquilibres et autres prédispositions à des problèmes de santé. C’est donc un outil présenté comme permettant de poser des diagnostics médicaux, rapidement, de manière simple et non invasive. Dis comme ça, ça a l’air fabuleux, n’est-ce pas ?
L’idée est d’observer l’iris d’une personne idéalement avec une loupe lumineuse, ou mieux, avec un iriscope ou un iridoscope. Puis d’en analyser les particularités :
La densité de la trame de l’iris serait un indicateur de la vitalité de la personne. La couleur des yeux donnerait des indications sur le tempérament, la vitalité, les forces et les points faibles de la personne. Par exemple, une personne aux yeux bleus est considérée comme ayant un système immunitaire qui fonctionne bien mais qui sur-réagit, des prédispositions aux troubles rénaux, aux manifestations rhumatismales, aux allergies et à l’asthme. Une personne aux yeux marrons aurait par contre tendance à subir des congestions veineuses et à être prédisposée au diabète et aux troubles hormonaux, avec une faiblesse marquée au niveau du foie et de la vésicule biliaire.
Et pour évoquer toutes les nuances parmi les couleurs et motifs de iris, il existe un vocabulaire spécifique qui pourrait presque faire passer l’iridologie pour une science aux oreilles des personnes ne connaissant pas la signification de ces mots. Pour ne citer que quelques exemples, selon André Roux, parmi les personnes ayant les yeux bleus, on parle des yeux lymphatiques fibrillaires de la sous constitution neurogène résistant-sensible, parmi les personnes ayant des yeux marrons, on parle des yeux hématogènes de la sous constitution tétanique larvée ou bien encore, parmi les personnes ayant des yeux verts, on parle des yeux mixtes de la sous-constitution hépato-biliaire. En bref, on utilise un vocabulaire médical qui en jette.
Mais l’aspect de l’iridologie le plus connu, c’est l’interprétation qui est faite des marques et signes observés sur l’iris selon leur couleur, leur forme, leur relief et leur disposition. Pour donner un sens à ces observations, il existe notamment des cartographies iriennes où sont représentés les organes sur les deux yeux. Un peu à la manière des cartographies de réflexologie que j’ai évoquées dans une précédente vidéo. Chaque zone de l’iris correspondrait à un organe spécifique, et les marques localisées dans ces zones permettraient de déterminer des dysfonctionnements passés ou actuels, ou bien des faiblesses prédisposant à des troubles à venir.
Et sur la base de ces constats, les iridologues font des recommandations alimentaires, d’hygiène de vie, de compléments alimentaires et de plantes destinées à améliorer le ou les dysfonctionnements révélés par l’étude de l’iris.
Certaines personnes n’hésitent pas à citer Hippocrate en évoquant les fondements de cette discipline, et de nombreuses autres sources différentes sont évoquées. Mais la seule chose certaine, c’est qu’il a fallu attendre le 19ème siècle pour qu’un médecin homéopathe hongrois structure la chose comme une discipline à part entière. La légende qui circule sur la découverte de l’iridologie par ce médecin évoque une chouette blessée à la patte qu’il aurait soigné étant enfant, et dont une marque situé sur l’œil du côté de sa patte blessée aurait disparu au fur et à mesure de la cicatrisation de sa patte.
D’autres médecins, ostéopathes, homéopathes, chiropracticiens, réflexologues etc ont également contribué à préciser cette pratique, la diffuser, l’enseigner et créer divers courants, aussi bien en Europe qu’aux Etats-Unis. En laissant derrière eux des nombreux ouvrages sur le sujet.
Comme je l’évoquais initialement, la raison qui m’a poussée à ne pas utiliser cette discipline, c’est surtout le fait que, parmi les personnes qui suivaient la formation en même temps que moi, il y avait une personne qui s’est découvert une passion pour l’iridologie et que j’ai trouvée effrayante dans sa façon de l’utiliser. C’est à dire que cette personne ne voyait pas de problème à observer les yeux de quelqu’un et lui annoncer dans la foulée, gonflé de certitude, qu’il avait un cancer des poumons. Par chance, j’ai trouvé cela choquant et je me suis donc abstenue pendant les quatre années où j’ai pratiqué la naturopathie. Mais j’aurais pu déjà à cette époque douter également du sérieux et de l’efficacité de cette méthode.
Parce qu’il y a des moyens simples de vérifier si l’iridologie présente un intérêt (ou pas) en terme de diagnostic. Déjà, il y a à redire sur le principe fondateur de cette pratique. L’iridologie prétend que l’iris de l’œil varie selon les pathologies, traumatismes, dysfonctionnements qui jalonnent nos vies. Or, si la pigmentation évolue dans nos premiers mois de vie, l’iris reste ensuite inchangé tout au long de notre vie. Il est propre à chaque personne et c’est justement sa stabilité et son unicité qui ont permis de développer les technologies de reconnaissance basées sur l’iris pour identifier de manière fiable des personnes.
Mais si cet argument ne suffit pas, il est possible de tester directement les aptitudes des iridologues à détecter des problèmes de santé. Et ça, ça a déjà été fait. A de nombreuses reprises même. Alors, certes, il y a quelques études qui assurent que l’iridologie est potentiellement un outil diagnostic fiable, mais aucune étude dont la méthodologie est sérieuse ne confirme cela. En effet, plusieurs études ont bel et bien prouvé que l’iridologie ne permettait pas de détecter les cancers les plus courants, ni même par exemple les appendicites, l’asthme, les allergies et les troubles de la vésicule biliaire.
Pour en prendre une en exemple, je voudrais détailler rapidement une étude menée en 2005. Au cours de cette étude, 110 personnes ont été présentées à un iridologue expérimenté, qui n’avait aucune information sur leur état de santé. 68 de ces personnes étaient atteintes d’un cancer du sein, de l’ovaire, de l’utérus, de la prostate ou du côlon, les 42 autres étaient en parfaite santé. L’iridologue a pu les examiner et proposer 5 diagnostics différents pour chaque personne. C’était plutôt sympathique de lui laisser 5 chances de tomber sur la bonne pathologie… Et bien malgré tout, il n’a pu trouver le bon diagnostic que pour… 3 personnes. Ce qui est clairement en dessous des résultats que l’on attend d’un outil fiable de diagnostic.
Les autres études menées dans un cadre méthodologique sérieux montrent que les iridologues présentent des diagnostics corrects dans des proportions équivalentes au hasard. C’est à dire que s’ils avaient fait leurs diagnostics les yeux fermés, au doigt mouillé, ils auraient eu tout autant de bons résultats.
Mais vous vous demandez peut-être pourquoi je prends le temps d’écrire sur une pratique minoritaire comme celle-ci, surtout si elle présente si peu d’intérêt… Tout simplement parce qu’il y a de nombreuses personnes qui accordent du crédit à l’iridologie et qui font plus confiance à des iridologues qu’à des médecins. Et ça, c’est problématique. Parce que remettre sa santé entre les mains d’une personne qui a autant de chance que le hasard de tomber sur un diagnostic correct, et qui, de plus, n’est pas qualifiée pour vous proposer des soins adaptés, c’est dangereux. Chaque victime des pratiques alternatives infondées et dangereuses est une victime de trop.
Cela ne concerne pas tant de personnes que cela, mais chaque année ce sont à minima des centaines de personnes en France qui se forment à l’iridologie. Autant de personnes qui seront possiblement amenées à utiliser cette technique au détriment de la santé de leurs clients et clientes.
Voyant le vent tourner, certains iridologues présentent désormais leur pratique comme étant un outil à même de déceler des prédispositions plutôt qu’un outil de diagnostic évaluable par la méthode scientifique. Mais il faut être bien naïf pour penser qu’une technique dont il a été prouvé qu’elle n’était pas capable de déceler de graves problèmes de santé puisse permettre de déceler de simples prédispositions. Vous ne trouvez pas ?
RESSOURCES POUR ALLER PLUS LOIN :
Sur l’impossibilité de l’iridologie à identifier :
– des cancers (sein, ovaire, utérus, prostate, colorectal) : https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/15992238/
– des appendices : https://www.researchgate.net/publication/307828712_The_validity_and_reliability_of_iridology_in_the_diagnosis_of_previous_acute_appendicitis_as_evi-denced_by_appendectomy
– des cancers colorectaux : https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/18463880/
– des allergies et l’asthme : https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/16035564/
– des troubles de la vésicule biliaire : https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/3147081/