La discipline de la naturopathie semble être une sorte de paradis pour les personnes ayant une alimentation végétarienne ou végétalienne. L’alimentation végétale y est valorisée pour des raisons de santé et en raison de son caractère prétendument « naturel ». Mais, est-ce que cela est bien rationnel ?…
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Une chose que je dois concéder, c’est que c’est entre en grande partie l’alimentation végétale qui m’a conduite à la naturopathie. A cette époque, étant déjà végétalienne, j’ai été séduite par les discours d’Irène Grosjean sur l’évidence d’une alimentation végétale, et même d’une alimentation « vivante », comme aiment à l’appeler les naturopathes et autres hygiénistes. Et comme je m’intéressais depuis plusieurs années déjà à l’alimentation bio au motif d’un prétendu bien-être animal, j’étais également bien sensibilisée au côté « naturel » de l’alimentation.
J’ai été enthousiaste et rassurée par ce discours qui valorise l’alimentation végétale, présentée comme naturelle et indispensable pour être en bonne santé. C’est exactement ce que j’avais envie d’entendre pour me conforter dans mes convictions antispécistes. Je trouvais enfin l’écho positif que je n’avais pas trouvé auprès des médecins et autres professionnel-le-s de santé !
Et pourtant, avec le recul dont je fais preuve aujourd’hui, je déplore l’image qui est donnée de l’alimentation végétale à travers les discours naturopathiques et hygiénistes. Je suis en effet persuadée que de nombreux aspects de ces discours nuisent à la crédibilité des discours politiques antispécistes et sentientistes, en ce qu’ils manquent de rigueur et trouvent leurs fondements dans des affirmations irrationnelles.
Par exemple, il est courant que les naturopathes ou hygiénistes promouvant une alimentation végétale appuient leur argumentaire sur des considérations d’anatomie comparée. Je l’ai fait moi-même il y a quelques années… L’idée c’est que les êtres humains auraient des caractéristiques physiologiques communes avec des animaux présentés comme frugivores et seraient donc naturellement frugivores. Or, les animaux présentés comme frugivores n’ont pas une alimentation strictement végétale, et ces comparaisons occultent de nombreux aspects de l’anatomie et la physiologie des espèces comparées. Et puis, la nature de notre anatomie et de notre physiologie ne dit de toute façon rien de ce qu’il est juste ou éthique de consommer. Nous sommes omnivores, cela signifie que nous avons la possibilité de manger de tout. Mais cela ne signifie pas que nous soyons obligé-e-s de le faire, ni qu’une alimentation omnivore soit plus éthique.
Autre problématique de taille dans l’image de l’alimentation végétale véhiculée par la naturopathie : en appeler au caractère naturel de l’alimentation végétale. C’est clairement un argument contre-productif. D’une part car le caractère naturel d’une chose ne dit rien de son intérêt ou de sa pertinence. Pour mémoire par exemple, l’arsenic, les amanites phalloïdes et les virus pathogènes sont naturel-le-s ; et pourtant on ne se permettrait pas d’en conclure qu’ils sont bénéfiques à notre santé. D’autre part, valoriser le caractère naturel de l’alimentation végétale manque de cohérence, car cela vient en contradiction avec la nécessaire complémentation en vitamine B12.
A ce sujet justement, c’est dans les milieux naturopathiques et hygiénistes que circulent le plus de fausses informations au sujet de la vitamine B12. Des informations non sourcées qui exposent certaines personnes à des risques réels pour leur santé. Car pour rester en cohérence avec l’image d’une alimentation végétale « naturelle », tout un tas de mythes sont alimentés pour convaincre de l’absence de nécessité de compléments de vitamine B12: on entend par exemple que certaines algues sont sources de vitamine B12, que les légumes non lavés permettent d’apporter de la vitamine B12 via les particules de terre qui les recouvrent, que les produits lactofermentés sont sources de vitamine B12 ou même encore que notre flore intestinale permet de satisfaire nos besoins en vitamine B12 si l’on adopte une alimentation adéquate… C’est séduisant, mais c’est surtout faux… Aucune de ces hypothèses n’est vérifiée et il n’existe actuellement aucune source végétale fiable de vitamine B12. Il est par contre avéré que l’absence de complémentation en vitamine B12 expose les personnes végétariennes, végétaliennes et même flexitariennes à des risques de carences.
Je trouve ce discours anti complément de vitamine B12 d’autant plus surprenant que les personnes qui le tiennent sont souvent les mêmes qui recommandent à tour de bras des compléments divers et variés tous plus inutiles et coûteux les uns que les autres : des cures détox, des poudres alcalinisantes, des préparations énergétiques à base de plantes, des minéraux sous toutes leurs formes, des ampoules d’eau de mer, ou bien encore des probiotiques à toutes les occasions… Toutes ces choses ne sont pourtant pas plus « naturelles » que la vitamine B12 issue de la synthèse bactérienne, et surtout elles sont dispensables, à l’inverse de la vitamine B12.
Enfin, une autre problématique des discours naturopathique ou hygiéniste valorisant l’alimentation végétale, ce sont les prétentions en terme de santé. L’alimentation végétale serait la seule permettant d’être en parfaite santé. Le reste ne serait que poison. C’est un discours très séduisant lorsque l’on est convaincu-e du caractère éthique de l’alimentation végétale. Mais… c’est là encore faux. Si une alimentation végétale équilibrée permet d’être en bonne santé à toutes les étapes de la vie (en se complémentant en vitamine B12 bien évidemment!), une alimentation carnée pauvre en produits d’origine animale comme celle promue par le régime méditerranéen par exemple, permet elle aussi d’être en bonne santé.
Une alimentation végétale équilibrée présente, certes, des bénéfices notamment en terme de santé cardio-vasculaire, de prévention du diabète de type 2 et de certains cancers, mais elle n’a pas prouvé, pour l’heure, être l’alimentation la plus saine. L’argumentaire hygiéniste de la perfection d’une alimentation végétale n’a donc pas de fondement. D’ailleurs, il est toujours bon de rappeler que si l’alimentation a un rôle important à jouer en terme de santé, elle ne fait pas tout ! A ce sujet, je vous renvoie vers ma vidéo ou mon article sur le causalisme, un des piliers de la naturopathie. J’y aborde également la thématique des lois naturelles ou divines.
Ce qui m’amène à préciser ici que, si des hygiénistes et naturopathes recommandent une alimentation végétale, il n’est jamais question d’éthique ou de compassion pour justifier un tel régime alimentaire. Leurs recommandations alimentaires trouvent en effet leurs fondements dans le respect dogmatique de prétendues lois divines édictées dans l’évangile des esséniens il y a près de 2500 ans…
Si les considérations abordées dans cet article vous ont interrogé-e et que vous souhaitez aller plus loin, je glisse quelques ressources ci-dessous. Tout particulièrement 2 conférences passionnantes de Florence Dellerie : sur le concept d’alimentation naturelle d’une part, et sur la vitamine B12 d’autre part. Je mets également les recommandations de l’ONAV, observatoire de l’alimentation végétale, concernant la nécessaire complémentation en vitamine B12 pour les personnes végétariennes et végétaliennes, mais aussi, même si on en parle moins, pour les personnes flexitariennes.
RESSOURCES POUR ALLER PLUS LOIN :
Florence Dellerie :« Les mythes de l’alimentation naturelle » : https://www.youtube.com/watch?v=fbzatlJTawg
Florence Dellerie « La B12 est politique » : https://www.youtube.com/watch?v=YA3F0xalebU
Position de l’ONAV relative à la complémentation en vitamine B12 chez les personnes ayant une alimentation flexitarienne, végétarienne et végane : https://lonav.fr/position-de-lonav-relative-a-la-complementation-en-vitamine-b12-chez-les-personnes-ayant-une-alimentation-flexitarienne-vegetarienne-et-vegane/